Brive
Vocable :Saint Martin
Epoque :12e et 13e essentiellement
Historique :Une fois n'est pas coutume, nous avons des renseignements
précis sur la fondation de l'église saint Martin, qui
remonte aux premiers temps du Moyen Age ou, si l'on
préfère, à ceux de la christianisation. C'est à Brive, en
effet, que saint Martin dit l'Espagnol (distinct
mais disciple du grand saint Martin de Tours) connut le
martyre, au début du Ve siècle vraisemblablement. Ceci nous
est rapporté par Grégoire de Tours dans son Histoire des
Francs, qui nous relate également l'incendie et la
reconstruction du sanctuaire au VIe siècle.
Ce qui est confirmé par l'archéologie, puisqu'ont
été mis au jour, sous l'actuelle nef, des pans de murs
datant de cette époque, ainsi que des agrandissements du
IXe siècle. Des sarcophages indiquent l'existence d'une
ancienne nécropole, autour du tombeau de saint Martin.
L'institution connaît un nouvel essor lorsque, vers l'an
mil, une communauté de chanoines s'y installe,
suivant la règle de saint Augustin. Le prieur est alors un
personnage puissant, et un des co-seigneurs de Brive.
L'église collégiales'entoure de dépendances (dont le
cloître et logis prioral, détruits en 1764 et 1835) et
occupe un espace important au centre de la ville. Les cures
de Saint-Sernin et de Saint-Pierre, intra-muros, sont sous
la dépendance du prieuré Saint-Martin, comme une douzaine
d'autres églises autour de Brive.
Le prieuré reste prospère jusqu'à la fin du XVIe siècle, où
les chanoines abandonnent la vie communautaire.
L'institution est déjà en déclin lorsque la Révolution
l'achève.
Une fois les bâtiments prioraux détruits, on construisit
des maisons directement contre l'église, comme on peut le
voir sur d'anciennes photographies; le clocher s'effondra
en 1840, et il fallut attendre les importants travaux de la
fin du XIXe siècle pour rendre à l'édifice un aspect plus
digne de son importance.
Descriptif :La Collégiale Saint-Martin connut d'importantes
transformations à diverses époques. Si le choeur et le
transept sont d'origine romane, la haute nef à trois
vaisseaux fut lancée dans le style gothique, entre le
début et le milieu du XIIIe siècle, remplaçant une nef
romane dont il reste peu de traces. Surélevé au XVIIIe
siècle, le choeur fut encore restauré au XIXe
siècle, qui accomplit d'importantes réfections: on doit
en effet à ce siècle la reconstruction des étages
supérieurs du clocher, de l'abside axiale et du porche, le
tout supervisé par l'architecte Anatole de Baudot. Au début
du XXe siècle on prit soin de compléter le décor sculpté de
la partie orientale, en confiant au sculpteur Max Braemer
la confection de quelques 47 chapiteaux, 3 culs-de-lampe et
28 modillons d'inspiration romane.
Bien que limitée aux parties orientales, l'architecture
romane de l'édifice est assez complexe, et autorise à
penser qu'elle s'est constituée au fil de campagnes et de
remaniements successifs. En voici le plan : un transept
débordant, dont les bras présentent une travée dans le
prolongement des collatéraux de la nef et une travée
ouverte par une chapelle orientée; une croisée de
transept couverte d'une coupole sur pendentifs, portée
par de grosses piles cylindriques; deux travées droites
formant le
choeur, divisées en trois vaisseaux et voûtées
d'arêtes; trois absidioles enfin dans le
prolongement du choeur, toutes orientées, donc parallèles,
et obligeant à un écartement des murs du choeur.
L'abside centrale est une réfection, probablement sur un
plan identique. Elle est polygonale à l'extérieur, comme
les absidioles latérales, qui sont en revanche
hémicirculaire à l'intérieur. Les chapelles du transept,
quant à elles, adoptent la forme circulaire des deux
côtés.Les arcs doubleaux et arcs d'entrée reposent
généralement sur des colonnes engagées, dont les chapiteaux
présentent un riche décor sculpté. On trouve encore des
chapiteaux sculptés dans les chapelles et les absidioles, à
la retombée d'arcatures et dans l'encadrement de fenêtres
limousines.
A l'extérieur, le chevet présente une belle
homogénéité, malgré le surhaussement du choeur du XIXe
siècle. Les chapelles et les absidioles sont uniformément
décorées de petites arcatures sous la corniche,
prenant appui alternativement sur des culots et sur des
pilastres (sur le modèle des bandes lombardes) ou des
colonnes-contreforts à chapiteaux là encore sculptés. Les
corniches sont portées par de nombreux modillons, dont
certains sont l'oeuvre du XXe siècle, mais qui sont pour
l'essentiel romans.
La base du clocher actuel est romane, ce qui montre
qu'il reposait dès l'origine sur le croisillon sud du
transept. On y retrouve les mêmes arcatures à culots
sculptés.
Sculpture :La sculpture est abondante à Saint-Martin de Brive, du fait
notamment de l'emploi de nombreuses arcatures. On peut
distinguer trois types de supports accueillant le décor
sculpté:
-les chapiteaux, qui sont au nombre de 61 selon Evelyne
Proust
-les modillons, sous les corniches extérieures du chevet
(on peut leur adjoindre les culots sculptés)
-des fragments de plaques sculptées découverts lors de la
destruction de l'ancien porche et conservées au musée
Labenche.
E. Proust distingue trois groupes de chapiteaux, qui
seraient dus à autant d'ateliers différents. L'un,
s'apparentant aux ateliers de Conques et de Saint-Sernin de
Toulouse, a essentiellement produit des corbeilles à
décor végétal, parmi lesquelles se remarquent des
chapiteaux de style corinthien, à feuilles d'acanthe, d'une
belle facture. Un autre atelier serait responsable de
chapiteaux à décor figuré, dont certains exemplaires
se retrouvent, à quelques variantes près, dans de
nombreuses autres églises du Bas-Limousin. On a là affaire
à une forme d'art de série, dont les thèmes récurrents sont
aisément identifiables: personnages qui se tirent
mutuellement la barbe, acrobates cortorsionnés, lutteurs,
personnages sortant de la gueule de monstres, personnages
appuyés sur des béquilles, etc. S'y ajoutent ici une femme
luxurieuse aux cheveux mordus par des serpents ailés,
divers atlantes, un personnage tirant sur les commisures de
ses lèvres pour faire une belle grimace. Un beau chapiteau
représentant deux griffons affrontés a un frère jumeau à
Souillac, où les corbeilles du choeur sont dues au même
atelier que celui qui oeuvra autour de Brive
Un dernier groupe de chapiteaux présente un décor
historié : une scène identifiée comme David sur l'aire
d'Ornan, un Samson décrochant la mâchoire du lion (2
chapiteaux du chevet), une Remise des clefs à saint Pierre,
un Christ aux liens, une Pesée des âmes, et une scène
inachevée et non identifiée.
Le chantier de Brive fut donc une sorte de carrefour de
la création romane, où se rencontrèrent plusieurs
ateliers, qui purent s'échanger des thèmes et des
savoir-faire. C'est sur le chantier que, selon E. Proust,
deux ateliers locaux se formèrent, avant d'essaimer dans la
région pour couvrir les chapiteaux d'un décor figuré
(Saint-Robert, Arnac, Chameyrat, Noailles, etc) ou
religieux (Lubersac, Vigeois, Lascaux).
Les modillons sont intéressants à plusieurs titres:
d'abord ils sont nombreux, ce qui n'est pas si fréquent;
ensuite, leur décor, principalement constitué de têtes
humaines ou bestiales, laisse appécier quelques beaux
spécimens; enfin il existe des analogies avec les modillons
de Malemort, Vigeois, et même Ydes en Haute-Auvergne, ce
qui permet d'effectuer des rapprochements entre ces
différentes églises.
Les fragments sculptés déposés au musée Labenche
sont des éléments de l'ancien porche roman. Un morceau
montre un personnage agenouillé les mains jointes en
position de prière, auquel un personnage debout tend la
main. Les interprètes penchent pour une Descente du Christ
aux limbes, le personnage secouru par Jesus devant être le
premier homme, Adam. En tout cas l'épannelage du fragment
laisse supposer que ces plaques étaient disposées sur les
parois latérales du porche, selon un parti qu'on
observe notamment à Beaulieu, Lagraulière, Ydes encore et
Sérandon.
Signalons pour finir la cuve baptismale assez
imposante, de section circulaire, qui laisse voir sur un
fond cannelé le symbole des évangélistes: l'aigle de saint
Jean, le lion de saint Marc, et l'ange de saint Mathieu
(mutilé), le taureau de saint Marc ayant disparu.
Sources :-Collectif, La Collégiale Saint-Martin de Brive (Culture et
Patrimoine en Limousin, 1997)
-E. Proust, La sculpture romane en Bas-Limousin (Picard,
2004, pp.58-73, 243-254)
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