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Enigmes romanes
Les sculpteurs romans ont produit, en Bas-Limousin, quelques oeuvres insolites, qui laissent perplexes
Louignac, cuve baptismale
L'église saint Julien de Brioude conserve un choeur roman, avec des chapiteaux et des modillons sculptés. A l'entrée de la nef, une cuve baptismale très étrange. La décoration de cette cuve taillée dans un bloc de pierre cubique ne peut que laisser le visiteur perplexe, l’ésotérisme de la scène n’étant pas altéré par le peu de maîtrise technique de l’artiste. Deux panneaux sculptés sont parvenus jusqu’à nous. A l’un des angles, un personnage brandit une croix. A ses côtés, sur l’un des panneaux, se pressent des visages chauves et barbus, à l’expression tourmentée. De l’autre côté du personnage central, occupant l’angle opposé, un homme pareillement barbu a les bras levés. Voilà pour le décor figuré, qui nous renseigne peu sur le sens de la scène. S’agit-il du récit d’un miracle, ou d’une conversion collective ? Nous le saurions peut-être si nous pouvions déchiffrer les lettres et les signes qui occupent les espaces vides des panneaux. Là sont gravés en effet de multiples marques, dont certaines nous sont familières (lettres M,H,O,T) ; on reconnaît un Pi et peut-être d’autres lettres de l’alphabet grec, tandis que d’autres signes ne renvoient à rien de connu (par exemple, deux barres obliques et parallèles, parfois réunies par deux barreaux perpendiculaires aux premiers). Quoiqu’il en soit, les signes ne sont pas disposés de manière linéaire, comme lorsqu’on veut faire entendre un message, et ce n’est pas le moindre mystère de cette cuve que de savoir à quoi ils pouvaient bien servir. Un élément de réponse est à jamais perdu : sur le bord supérieur du panneau, un bandeau contenait une inscription gravée, dont il ne nous reste que les premières et les dernières lettres, le reste ayant été mutilé. La cuve baptismale gardera donc son secret, qui est aussi celui de son âge. Qu’il nous suffise de dire ici que les fonts baptismaux étaient l’un des attributs essentiels des premières églises paroissiales. Celle de Louignac étant connue au VIe s., on pourra en conclure que la cuve en question est peut-être beaucoup plus ancienne que tout le reste de l’édifice parvenu jusqu’à nous.
A Ligneyrac, l'église romane se distingue notamment par son clocher à baies géminées et les pentures de son portail. Le décor sculpté est fort restreint. Cependant, un petit chapiteau logé dans l'encadrement de la baie absidiale montre une scène étonnante, dont le sens reste obscur... Deux personnages, une femme assise sur un siège ouvragé et un homme debout, sont séparés par un masque humain disproportionné. Aussi haut que les personnages entiers, celui-ci porte une barbe bifide et une moustache tressée sur laquelle tirent chacun de leur coté, l’homme et la femme. Il est difficile de trouver une signification à cette scène, qui doit bien pourtant en avoir une...
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